« Stand up
Take my people with me
Together we are going
To a brand new home
Far across the river
Can you hear freedom calling?
Calling me to answer
Gonna keep on keepin’ on »

« Stand up » de Cynthia Erivo

Ces paroles résonnent en moi comme un ralliement.

Je suis juive, je suis une femme, je suis rousse, je suis catholique par ma mère, qui s’est convertie par amour avant qu’elle n’apprenne que sa grand-mère maternelle était juive, je suis hypersensible, je suis connectée et j’en passe…

Autant d’étiquettes qui ont fait que je me suis toujours sentie différente, ou plutôt singulière.

Jusque-là, ça ne m’avait posé aucun problème, c’est même une grande fierté.

Je suis le fruit de l’amour entre des univers totalement différents, je porte en moi la puissance et la richesse des influences diverses. J’ai grandi aux sons des folklores bretons, des musiques arabes, des prières en hébreu, du Notre Père que je récite parce que, pour moi, on a tous le même Dieu et des classiques français et du monde entier.

Ma mère et mes grands-parents m’ont appris à choisir le respect, l’amour et la tolérance.

Depuis le 7 octobre, pour la première fois, comme Bétiquette dans la comédie musicale « Le soldat rose », j’aimerai déchirer ces foutues étiquettes, qu’elles soient politiques, religieuses ou autre. Les étiquettes qui divisent au lieu de nous concentrer sur la communion entre les humains.

Depuis le 7 octobre, pour la première fois, je me demande si ce que je suis peut poser problème à ma famille, les mettre en danger. Si ça peut me coûter la vie et celle de mon fils, celle de mon mari.

Depuis le 7 octobre, je pense à ces femmes, ces enfants qu’ils aient été torturés d’un coté ou morts sous les bombes de l’autre. Peu importe leur étiquette, leur nationalité.

Je sens que les juifs se cachent, je pressens que les humains ne savent pas quoi penser, n’osent pas se prononcer. Comme beaucoup, je sens la peur.

Ma mère, quand nous étions petits, nous interdisaient de fréquenter des lieux selon elle « risqués ». Je n’ai pu voir Enrico Macias en concert qu’après sa mort. J’avais 48 ans !

Ces derniers jours, je me suis demandé ce que je devais faire : me cacher par prudence, ou au contraire me mobiliser pour que les horreurs comme celles du 7 octobre soient les dernières.

Dois-je parler ou me taire ? J’ai senti la couardise s’immiscer en moi, je me suis vu détourner mon regard intérieur et partir faire mes courses, comme si tout ça n’existait pas.

Je me suis posé la question : dois-je gommer mon nom de jeune fille au profit de mon nom de femme mariée, moi qui ai choisi d’accoler les deux si fièrement il y a 5 ans ? Mais comment feront mes frères, eux qui n’ont qu’un nom ? Et comment feront ceux dont la notoriété fait qu’ils ont déjà été identifiés comme juifs ?

Après des nuits de réflexion, ce matin, j’ai ressenti une urgence à poser les choses. J’ai choisi de dire ce que j’avais sur le cœur, de nommer ce que je vis dans mes tripes en ce moment. Pas pour revendiquer, pas pour avoir raison, juste par amour, pour envoyer l’énergie du soutien aux victimes innocentes des conflits dans ce monde et pour me sentir vivante.

J’ai choisi aussi d’aller à la manifestation de dimanche. Je veux la vivre comme une manifestation pour le droit à être qui je suis, peu importe mes étiquettes.

Ça, c’est dit.


© Cynthia Erivo / © Gabe Fox-Peck / © Joshua Brian Campbell